vendredi 4 février 2011

A toi, l'enfant dont je ne serai jamais la mère.

La vie m'a abîmée. Salie, cassée. Je ne suis plus qu'un assemblage de petits morceaux épars qui tente de tenir debout. Et puis un jour j'ai rencontré un homme. Il était beau, il était vrai. Il était gentil, il savait aimer. Je ne pouvais pas rester avec lui. Je ne pouvais pas me laisser aimer. Ça me terrifiait. Je l'aurais abîmé, aussi, lui cet être si pur. Mais je ne pouvais pas partir. Il est si bon d'exister pour quelqu'un ! Alors j'allais et je venais, soi-disant libre et sans attaches, je me nourrissais à sa source.

Et tu t'es installée en moi. Tu m'as prise par surprise, en traître ! Tu t'es nichée dans mon ventre sans m'avoir rien demandé. Tu n'imagines pas le bien que tu m'as fait. Pendant neuf mois, neuf petits mois de ma vie j'ai été heureuse. Complète, pleine. Pour la première fois j'ai construit, réussi, mené à terme une chose si parfaite que je ne pensais même pas que ça pouvait exister : toi. Ton père rayonnait, ça me faisait mal de le voir si heureux, il y avait tant d'avenir dans ses yeux !

Et tu es là. Toi. Si petite et si belle. J'ai tellement, tellement d'amour que mon coeur se brise quand je te regarde. Et pourtant je m'en vais. Je te laisse. Je t'abandonne.
Je suis lâche, vile, et méchante. Je sais. C'est moi.
Je me déteste tellement du mal que je te fais, toi qui n'es là que depuis quelques jours... Mais si je reste je te tue.
Je ne suis pas mère, je ne saurais pas. Je suis incapable d'aimer, je ne pourrais jamais t'aider à te construire. Du mal. C'est tout ce que je sais faire. Et je t'aime trop pour cela. Je veux te savoir heureuse, je veux des étoiles dans tes yeux, je veux que tes larmes soient colères et peines d'enfant. Je ne te donnerai pas mes tristesses, mes horreurs. Je les porte en moi, je ne sais pas m'en défaire. Je ne peux pas rester, je ne peux pas te regarder et rester là près de toi. Tu es trop précieuse et trop belle.
Oh, je sais bien que j'ai tord. Que mon absence ouvrira en toi une blessure immense dont je serai la seule coupable. Soyez heureux. Haïssez-moi. Vous en avez bien le droit, ce ne serait que légitime. J'ai peur, si peur de moi...

Adieu ma fille. Je t'aime plus fort, plus grand qu'il ne me sera jamais donné d'aimer.

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