lundi 31 janvier 2011

Nuit

La lune sommeillait, là-haut, altière et lointaine, quand un éclat discret lui fit tourner les yeux.
Une larme scintille accrochée à un cil.
L'eau salée et pure a pris dans ses filets une infinité d'étoiles.
Elle est posée au bord de l'œil, belle, riche et complexe.
Petit morceau d'émotion où la vie resplendit, elle brille sous la lune qui lui sourit doucement.
Le monde émerveillé retient son souffle, la beauté est faite pour être contemplée.
Mais elle est si fragile, elle existe si peu
Qu'il suffit d'un murmure pour arrêter le jeu.
Elle renonce, entre ciel et terre, elle refuse.
Elle s'élance et s'écrase. C'est fini. Elle n'est plus.
La lune sommeillait, elle ne dormira plus.

dimanche 30 janvier 2011

Les mots

Ils ont longtemps été ma porte de sortie, ma façon d'exister. Ils ont longtemps été ma seule issue. Quand personne ne me voyait, quand je ne savais que me cacher, quand j'étais si seule que le son de ma voix même me faisait peur. Ils m'ont permis d'être pour ne pas sombrer.

Et puis le bonheur, timidement, a cogné à mon coeur. J'ai entrouvert une porte, il est venu me chercher. Le premier il m'a vue, et j'ai pu exister. Mais toujours du reste du monde je devais me cacher. Sur l'autel de la normalité j'ai immolé ces émotions trop fortes qui 'emportaient trop loin. J'ai tout fermé, tout bloqué, tout verrouillé.

Ils sont revenus. Doucement, timidement, douloureusement parfois. C'est puissant et effrayant. Peu à peu je redeviens. Peu à peu je suis.

samedi 29 janvier 2011

Clin d'oeil

Il est parfois un rendez-vous manqué qui sonne le glas au coeur d'une mère.

Tu t'installes et je te porte, au creux de moi, petite bestiole. Qui seras-tu, que seras-tu?
Ma tête est pleine de rêves, je te vois homme ou femme, enfant de mon enfance ou rêve de liberté. Et tu nourris mes peurs. Peur d'être moi, peur de t'avoir. Refus, larmes, félicité, ça tourbillonne et se bouscule au creux de mon corps habité.

L'enfant arrive un jour, et le rêve par bribes s'envole. Il y a des larmes et de la sueur, il y a du sang et de la chair. Et des visages masqués, et des mains de plastique qui emportent au loin le petit être hurlant.
On voit un inconnu, là, posé dans nos bras. Où sont la déferlante, le coeur qui explose, et les papillons roses?
Le lien s'est détaché, on ne se connait plus.

A l'intérieur la femme pleure. Où est-tu mon bébé ? Où est-tu mon amour ? Je cherche dans le noir ta main dans la mienne, où est-tu ? viens !
Les jours avancent et les mains de la mère se posent sur le corps de l'enfant. Et le coeur de la mère bat contre le coeur de l'enfant. Et peu à peu l'amour arrive, l'amour s'apprend. Il devient viscéral, total, immense, il balaie et emporte.

Mais la blessure est là, qui guette et qui attend. Ô toi qui fait ma joie, qui grandit et qui chante, ô toi qui te vois dans mes yeux, qui a tant besoin de moi, toi, je t'ai trahi...
Quand tu étais si petit, si petit que tu tenais dans ma main, quand tu n'étais qu'attente et besoin, quand tu avais besoin de moi plus que d'air et de lait, je n'étais pas tout à fait là.

J'ai manqué le rendez-vous. Je t'ai manqué. Tu ne méritais pas ça. Si tu savais comme je me déteste pour ça ! Alors je t'aime doublement, plus fort, plus vite, plus haut. Je t'aime avec passion, j'ai tant à rattraper ! Je t'aime avec colère, cette colère que j'ai, contre moi qui n'ai pas su, contre la vie, cette garce, contre toi qui n'a pas réussi à me faire ouvrir les vannes le premier jour.
Alors je t'aime et je te déchire, je t'aime et je me déchire. Il faut que ce soit fort, si fort, pour que je ne doute jamais, pour que tu ne doutes jamais que mon amour existe.

Et je me sens mauvaise, du mal que je crois te faire, encore, toujours, interminablement.

Pourtant ce n'étais qu'une histoire de fil dénoué, de rendez-vous. Oh certes un rendez-vous important. Mais l'amour était là, juste caché un peu. A la culpabilité répond le pardon. Mais il a pardonné, l'enfant qui la regarde, il se sait aimé, il se sait bien aimé. Il ne reste qu'elle. En face d'elle. Et quand enfin elle se pardonnera d'être arrivée un peu (si peu) en retard, l'amour, en plus d'être fort au-delà de l'imaginable, sera paisible et apaisé.

vendredi 28 janvier 2011

Trop petite...

Elle est trop petite.
Trop petite pour l'école, trop petite pour savoir ce qu'elle sait, trop petite pour être elle.

C'est difficile d'exister quand on n'a pas lieu d'être...

Mais elle creuse sa route dans ce monde étouffant, elle rayonne et elle rit, et sur ceux qui la croisent coule la lumière de son être. Elle est palette, elle est complexe. Il suffit de regarder dans ses yeux sans fond. De s'y perdre. Et l'on devine des clairs-obscurs marécageux, à demi effacés par un sourire, des couleurs trop franches aussi qu'elle a un peu muselées...

Elle danse quand elle marche, aérienne et distante. Elle habite un peu ailleurs. Elle est entre deux mondes, petit lutin léger, et elle oublie parfois le langage des hommes.

Elle a des joies tout enfantines, elle a des tristesses d'un autre âge. Elle sent. Elle sait.

Petite fleur poussée trop vite si fine, si fine... Saura-t-elle résister aux talons des passants ?


Moi je la regarde être et j'ai les yeux qui brillent.
Moi je la vois rêver et je la vois sourire.
Moi je suis terrifiée...