samedi 29 janvier 2011

Clin d'oeil

Il est parfois un rendez-vous manqué qui sonne le glas au coeur d'une mère.

Tu t'installes et je te porte, au creux de moi, petite bestiole. Qui seras-tu, que seras-tu?
Ma tête est pleine de rêves, je te vois homme ou femme, enfant de mon enfance ou rêve de liberté. Et tu nourris mes peurs. Peur d'être moi, peur de t'avoir. Refus, larmes, félicité, ça tourbillonne et se bouscule au creux de mon corps habité.

L'enfant arrive un jour, et le rêve par bribes s'envole. Il y a des larmes et de la sueur, il y a du sang et de la chair. Et des visages masqués, et des mains de plastique qui emportent au loin le petit être hurlant.
On voit un inconnu, là, posé dans nos bras. Où sont la déferlante, le coeur qui explose, et les papillons roses?
Le lien s'est détaché, on ne se connait plus.

A l'intérieur la femme pleure. Où est-tu mon bébé ? Où est-tu mon amour ? Je cherche dans le noir ta main dans la mienne, où est-tu ? viens !
Les jours avancent et les mains de la mère se posent sur le corps de l'enfant. Et le coeur de la mère bat contre le coeur de l'enfant. Et peu à peu l'amour arrive, l'amour s'apprend. Il devient viscéral, total, immense, il balaie et emporte.

Mais la blessure est là, qui guette et qui attend. Ô toi qui fait ma joie, qui grandit et qui chante, ô toi qui te vois dans mes yeux, qui a tant besoin de moi, toi, je t'ai trahi...
Quand tu étais si petit, si petit que tu tenais dans ma main, quand tu n'étais qu'attente et besoin, quand tu avais besoin de moi plus que d'air et de lait, je n'étais pas tout à fait là.

J'ai manqué le rendez-vous. Je t'ai manqué. Tu ne méritais pas ça. Si tu savais comme je me déteste pour ça ! Alors je t'aime doublement, plus fort, plus vite, plus haut. Je t'aime avec passion, j'ai tant à rattraper ! Je t'aime avec colère, cette colère que j'ai, contre moi qui n'ai pas su, contre la vie, cette garce, contre toi qui n'a pas réussi à me faire ouvrir les vannes le premier jour.
Alors je t'aime et je te déchire, je t'aime et je me déchire. Il faut que ce soit fort, si fort, pour que je ne doute jamais, pour que tu ne doutes jamais que mon amour existe.

Et je me sens mauvaise, du mal que je crois te faire, encore, toujours, interminablement.

Pourtant ce n'étais qu'une histoire de fil dénoué, de rendez-vous. Oh certes un rendez-vous important. Mais l'amour était là, juste caché un peu. A la culpabilité répond le pardon. Mais il a pardonné, l'enfant qui la regarde, il se sait aimé, il se sait bien aimé. Il ne reste qu'elle. En face d'elle. Et quand enfin elle se pardonnera d'être arrivée un peu (si peu) en retard, l'amour, en plus d'être fort au-delà de l'imaginable, sera paisible et apaisé.

6 commentaires:

  1. Tussékijesuis....30 janvier 2011 à 01:57

    Pourquoi ça me parle tant? :-(
    C'est beau et à la fois ça me fait mal de te lire... vraiment mal...

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  2. tu n'étais pas tout à fait là ...
    c'est tellement dur à assumer , à accepter cet entre deux douloureux que nous avons subi ..
    ici ..une heure ..une simple petite heure ..qui peut savoir comme cette heure a ensuite resonné ..il y a que celles qui l'ont vécu qui peuvent le dire ..l'écrire c'est encore un pas ..énorme ..et important !
    important pour celles qui ne l'ont pas accepté ce sentiment d'étrangeté , cette distance qui s'est instauré par l'absence même très courte mais douloureuse ..
    Tellement innaceptable par ceux qui s'imaginent un idéal de maternité aimante instantanée et inéluctable ..
    c'est très courageux cette écriture !
    Merci .

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  3. je suis 8alamaison ton texte est tout simplement magnifique débordant d'amour t de crainte de maman....

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  4. en lisant ton texte, j'ai tournée la tète vers elle..

    ton texte est très beau, très vraie,trop peut être.

    merci.

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  5. Oh ce rendez vous manqué, qu'il me fait encore mal parfois quand je regarde mon fils.

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  6. Je vous remercie pour vos gentils mots.
    En fait pour être tout à fait honnête je ne parle pas vraiment de moi. Un peu, mais pas seulement. Ce sont des échanges autour de ce vécu, commun à tellement de femmes, qui ont donné cet écrit.

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